Si la fiducie facilite déjà la vie du créancier lorsque son débiteur demeure in bonis (nul besoin de diligenter une requête en attribution judiciaire ou demander une vente publique pour réaliser sa sûreté comme il le faudrait pour un nantissement ou un gage ou bien encore une hypothèque), c’est bien dans l’hypothèse d’une procédure collective qu’elle fait montre de ses plus grandes vertues. Il n’est donc pas étonnant que les procédures collectives et les procédures de traitement amiable des difficultés aient été le vecteur principal de développement de la fiducie en France sous sa variante fiducie-sûreté.
En effet, tout comme la cession Dailly, elle met en oeuvre un mécanisme de transfert de propriété fiduciaire à titre de garantie d’une créance. La localisation des actifs transférés en dehors du patrimoine du débiteur permet de soustraire ces actifs de la procédure collective du débiteur. Ainsi, là où les sûretés réelles sont entravées par l’interdiction de réalisation des pactes commissoires et de l’attribution judiciaire, la fiducie peut être réalisée en période d’observation ; sa réalisation pendant la procédure collective du débiteur n’est pas plus entravée par l’arrêt des poursuites individuelles et des procédures d’exécution à l’encontre du débiteur ; les créanciers bénéficiaires d’une fiducie sûreté ne peuvent pas se voir imposer des remises de dettes en comité ; enfin les actifs transférés ne peuvent pas être cédés en plan de cession ce qui place le créancier bénéficiaire d’une fiducie dans une situation préférable à celle d’un créancier hypothécaire par exemple.
L’idée prospective : la fiducie-gestion en restructuring, ça pourrait fonctionner aussi...
L’idée n’est plus ici d’utiliser la fiducie comme une sûreté mais comme outil de gestion dans un contexte restructuring
A l’heure où la transposition de la directive restructuration et insolvabilité s'apprête à accentuer la classification des droits des créanciers au travers de classes nouvellement créées, il pourrait être intéressant pour l’une des parties prenantes de s’assurer au préalable du sens du vote d’une ou plusieurs classes. Seraient alors transférés en fiducie les droits de vote futurs des créanciers ou les créances/créances obligataires auxquelles sont attachés ces droits. La mission du fiduciaire serait de garantir la bonne exécution de la convention de vote (contenue le plus souvent dans la convention de subordination) en faveur d’un créancier financier identifié.
L’idée développée ici serait, en procédure collective (chambre du conseil) ou encore in bonis, de permettre une acquisition stratégique de manière confidentielle.
En effet, les informations contenues par le contrat de fiducie n’ont pas vocation à être rendues publiques. Seules certaines autorités et les personnes autorisées en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme peuvent en principe remonter jusqu’au bénéficiaire effectif d’une fiducie.
Le constat est que le lender-led ou la conversion des créances en capital tend à se développer dans les restructurations financières pour redonner une chance aux créanciers de se repositionner dans la monnaie. Toutefois, certains créanciers, notamment les créanciers bancaires seniors, pourraient être moins enclins à convertir leur dette en capital contrairement à d’autres prêteurs, dont l’adn les rapproche plus de l’actionnariat professionnel.
Une utilisation innovante de la fiducie en la matière pourrait permettre à ces créanciers seniors de convertir leurs créances en capital, les actions étant alors portées et gérées par la fiducie dans l’espoir d’un retour à meilleur fortune du débiteur, le fiduciaire ayant alors pour mission de restructurer la société, repositionner un actif (détenu par un SPV) sur le marché, refinancer la dette existante etc.
La fiducie gestion, qui peut parfaitement se combiner avec une fiducie-sûreté au sein du même contrat, offre donc un moyen de prolonger la sûreté par des mécanismes de garantie plus pertinents dans des situations complexes.