La digitalisation des contrats signés électroniquement, (ainsi des conditions générales et particulières acceptées par les consommateurs sur un site de e-commerce), nous paraissent aujourd’hui relever de l’évidence. Les garanties du crédit n’ont pourtant pas suivi cet élan de dématérialisation avec le même rythme puisque des obstacles légaux se dressent encore en travers du chemin de la digitalisation des sûretés et des garanties. Ces obstacles sont en voie d’être levés en 2021, ce qui permettra aux sûretés et garanties du crédit d’être régulièrement signées par voie dématérialisée.
1. L’élan de modernisation de l’économie impulsé par le législateur européen et la Directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique a permis d’intégrer en droit français l’utilisation de l’écrit électronique pour conclure valablement un contrat.
2. Toutefois, dès l’entrée en vigueur de ce dispositif, la France a préféré exclure en partie les sûretés et les garanties du crédit du périmètre de cette modernisation des contrats en cantonnant l’écrit électronique aux seules sûretés et garanties constituées par une personne pour les besoins de sa profession. Plusieurs motifs ont été esquissés pour tenter de justifier cette exclusion partielle, parmi lesquels le fait que les sûretés font partie des actes les plus graves et les plus dangereux pour ceux qui les souscrivent, l’écrit étant vu comme nécessaire pour matérialiser consentement éclairé.
3. Tous reconnaissent aujourd’hui que ces motifs sont inopérants, d’une part il a été justement remarqué que si les contrats sous signature privée relatifs aux sûretés sont écartés, les contrats de crédit, dont on admettra qu’ils ne sont pas moins engageants que les premiers, peuvent faire l'objet d'un écrit électronique; d’autre part l’élargissement de la signature électronique aux garanties et sûretés ne porterait pas atteinte à la protection des constituants : les exigences formelles relatives à chaque sûreté continueraient à s’appliquer, en particulier pour le cautionnement pour lequel la personne physique devrait toujours apposer une mention obligatoire - condition pour vérifier la véracité de son consentement - mais cette mention pourrait être apposée de manière électronique.
4. La loi PACTE est venue dépoussiérer le domaine des sûretés et des garanties en élargissant les sûretés et garanties admises au procédé de la signature électronique (Loi PACTE, art. 60, I, 13°). Cette modernisation devrait passer par la modification de l’article 1175 du Code civil et être effective en mai 2021, échéance fixée par le législateur à l’habilitation donnée au gouvernement pour opérer par voie d’ordonnance.
5. Si la signature électronique est le premier pas vers une sûreté entièrement dématérialisée, il reste que les sûretés réelles sont majoritairement inscrites auprès de registres et/ou font l’objet d’un enregistrement auprès des Finances Publiques. La dématérialisation de l’acte constitutif de la sûreté appelle donc, au-delà de la possibilité de signer électroniquement un acte à titre de validité, une adaptation de ces registres afin que ces sûretés “électroniques” puissent être effectivement enregistrées. A cet égard, les registres spéciaux en matière de gages et de nantissements tenus par les greffes des tribunaux de commerce se sont précocement adaptés puisqu’ils leur est possible depuis 2006 d’être tenus sous forme électronique, auquel cas il est fait usage d’une signature électronique sécurisée. Cette avancée reste néanmoins limitée à certaines sûretés réelles et s’applique de manière aléatoire selon les pratiques des greffes concernés.
6. Au cas particulier du contrat de fiducie-sûreté, le processus de modernisation a pris plus de temps car celui-ci fait l’objet d’un enregistrement auprès des Finances Publiques lorsqu’il prend la forme d’un acte sous seing privé. Or, jusqu’à récemment, cette formalité ne pouvait être prise que sur un exemplaire original du contrat de fiducie, lequel, selon l’interprétation retenue par l’administration fiscale, ne pouvait prendre que la forme d’un manuscrit. Cet obstacle à la dématérialisation à 100% de la fiducie n’est plus depuis la loi de finances pour 2021 qui autorise désormais l’enregistrement des copies des actes sous seing privé signés électroniquement, permettant ainsi de dématérialiser intégralement le processus de constitution des fiducie-sûretés.