La fiducie est un outil polyvalent qui s’adapte à diverses situations, en offrant des garanties solides aux parties. Cette opération repose sur le transfert temporaire d’un actif par le constituant vers le patrimoine du fiduciaire, afin de garantir une prestation au bénéficiaire de la fiducie. Si elle vient souvent garantir un financement, telle une sûreté, la fiducie peut aussi être utilisée à d’autres fins. On fait le point sur les différents contextes et cas d’usage de la fiducie.
Rapide à mettre en place, la fiducie garantit une sécurité très efficace pour le créancier. Elle est ainsi employée au concours de nombreux financements de l’entreprise : emprunt bancaire, réorganisation d’une dette globale, achat de stocks, etc.
La société peut ainsi garantir sa dette par l'apport de biens réels (immeubles, stocks, sommes en numéraire) ou de titres de sociétés. Dans ce cas, les titres ont une valeur intrinsèque (société commerciale présentant une exploitation bénéficiaire) ou donnent accès à un actif ayant de la valeur au bilan de la société (bien immobilier, droits de propriété intellectuelle par exemple).
C’est tout l'intérêt de la fiducie de garantir un financement in bonis, autrement dit en transférant un droit pleinement réalisable pour le créancier sans avoir à craindre une situation de faillite de l’emprunteur. En l’occurrence, l’opération repose sur un transfert de propriété dès la signature du contrat.
La fiducie offre une grande flexibilité pour soutenir les entreprises en difficulté. Elle permet de garantir le financement d’une entreprise en procédure amiable, en procédure collective ou de restructurer des créances existantes.
Outre le cas de la garantie de financement, la fiducie-gestion peut aussi être utilisée pour protéger la bonne exécution d’obligations contractuelles. C’est le cas par exemple de la fiducie qui vient sécuriser l’exécution d’un pacte d’associés et les relations entre associés.
Les titres de société sont transférés dans le patrimoine fiduciaire. Le fiduciaire agit alors en qualité d’associé, selon un contrat établi pour un objectif précis avec l’aide de l’avocat. Le fiduciaire est responsable de la bonne gestion des actifs qui lui sont confiés et exerce le droit de vote. Ce faisant, la fiducie sécurise l’exécution des engagements pris dans le pacte d’associés. Elle constitue une garantie concrète et stable.
La fiducie-gestion peut être utilisée pour sécuriser la bonne exécution d’un plan de sauvegarde de l’emploi, négocié entre le cédant d’une entreprise et son repreneur. Le cédant s’assure ainsi de la juste utilisation des sommes mises à disposition pour le financement d’indemnités de départ ou le reclassement des employés.
Le fiduciaire agissant comme un tiers neutre, il rassure les salariés et les syndicats quant à la gestion et l’exécution du PSE. En sécurisant les actifs en fiducie, on empêche leur détournement à d’autres fins en cas de désaccord entre les parties. Ce faisant, les créanciers peuvent accepter d’alléger leurs exigences ou de fournir un financement temporaire en sachant que le PSE est garanti par des actifs dédiés. Une sûreté qui favorise la mise en œuvre du plan sans compromettre l’activité de l’entreprise.
La fiducie de gestion externalisée a vocation à confier la gestion d’actifs entre les mains d’un tiers de confiance, gestionnaire capable et solvable. Dans le domaine financier, la fiducie boursière permet de sécuriser des titres financiers cotés en Bourse. Les actions ou obligations sont transférées dans un patrimoine d’affectation dans le cadre d’une opération d’emprunt ou de financement, afin que le fiduciaire optimise leur rendement. Le fiduciaire devient titulaire des titres, mais le constituant conserve souvent un contrôle économique.
En pratique, lorsqu’un actionnaire de société cotée franchit le seuil des 30 % de détention, l’OPA devient obligatoire. Une procédure qui se déroule sous l'encadrement de l'AMF pour garantir le respect des droits des actionnaires minoritaires. Mais il peut avoir intérêt à ne pas se faire connaître. La fiducie opère un transfert des titres vers le patrimoine du fiduciaire. Ainsi, le constituant échappe au franchissement du seuil réglementaire de déclenchement des offres publiques. Les créanciers sont rassurés par la mise en garantie de titres cotés, liquides et faciles à valoriser. Cela permet des montages financiers complexes en sécurisant les actifs.
De la même façon, le transfert en fiducie du contrôle opérationnel d’une société, filiale ou marque, permet d’échapper à certaines obligations liées au droit de la concurrence ou à une clause de non-concurrence. C’est un mécanisme couramment utilisé dans les grandes opérations impliquant des actifs stratégiques.
En pratique, dans le cadre de fusions-acquisitions, la fiducie peut être mise en place pour garantir une cession d’actifs imposée par l’autorité de la concurrence pour éviter une concentration excessive sur un marché. Le fiduciaire gère temporairement ces actifs tout en recherchant un acheteur conforme aux exigences des autorités de concurrence. Il agit en toute indépendance pour garantir la conformité. Cela permet à l’entreprise de finaliser l’opération principale sans attendre la réalisation immédiate de la cession.
En conclusion, la fiducie s’impose comme un outil juridique d’une grande polyvalence, capable de répondre aux besoins des entreprises, des actionnaires et même à des problématiques plus inattendues. Au-delà de son rôle traditionnel dans la garantie d’un financement ou la restructuration d’entreprises en difficulté, la fiducie révèle toute sa pertinence dans des cas d’usage plus spécifiques et parfois méconnus.
Par exemple, la fiducie libéralité permet au constituant de transmettre des biens de manière temporaire et sécurisée tout en conservant la possibilité de réorienter ces actifs dans l’intérêt d’un bénéficiaire désigné. Ce mécanisme, bien qu’encore sous-utilisé, présente des applications précieuses pour anticiper des successions ou assurer la protection d’un patrimoine familial.
Enfin, la fiducie environnementale émerge comme un levier stratégique pour garantir l’exécution d’obligations écologiques, telles que la remise en état d’un site pollué ou la compensation des atteintes à la biodiversité.
Ainsi, la fiducie n’est pas uniquement un outil de sûreté financière ; elle représente une véritable solution de gestion des actifs et de médiation, s’adaptant aux besoins des entreprises comme des particuliers. En transférant temporairement la propriété des biens tout en sécurisant leur gestion, elle répond aux enjeux contemporains de performance, de flexibilité et de transparence.
Glossaire
In bonis : Expression latine qui caractérise la situation d’une personne qui dispose de l’ensemble de ses droits sur son patrimoine. Par opposition, l’état de cessation des paiements du débiteur posée par l'article L 631-1 du Code de commerce correspond au fait d'être dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Pacte d’associés : Accord entre associés définissant des règles complémentaires aux statuts de la société, portant sur la gouvernance, les droits de cession, les clauses de sortie, etc.
AMF : L'Autorité des Marchés Financiers réglemente les opérations et l'information diffusée par les sociétés cotées en bourse. Ces sociétés ont l'obligation d'informer le public de leurs activités et de leurs résultats.
OPA : L’Offre Publique d’Achat oblige l'acquéreur de parts d'une société cotée en Bourse à faire connaître publiquement son intention d'achat.